Introduction
Le Plan d'Épargne Retraite (PER) est devenu un incontournable des stratégies d'optimisation fiscale depuis sa création par la loi PACTE en 2019. En tant qu'expert-comptable spécialisé dans l'accompagnement patrimonial, nous observons un intérêt croissant pour ce dispositif, tant chez les professionnels libéraux que chez les dirigeants d'entreprise. Mais le PER est-il vraiment la solution d'optimisation fiscale miracle qu'on présente souvent ? Quels sont ses avantages réels et ses limites ? Ce guide complet vous propose une analyse objective pour déterminer si le PER correspond à votre situation et comment l'intégrer efficacement dans votre stratégie fiscale et patrimoniale en 2025.
Principe et fonctionnement du PER
Qu'est-ce que le Plan d'Épargne Retraite (PER) ?
Le PER est un produit d'épargne à long terme destiné à la préparation de la retraite, issu de la réforme de l'épargne retraite introduite par la loi PACTE. Il a remplacé progressivement les anciens dispositifs comme le PERP, le Madelin, ou encore le PERCO. Le PER se décline en trois versions adaptées à différentes situations professionnelles :
- Le PER individuel (PERin) : accessible à tous, il remplace les anciens PERP et Madelin
- Le PER d'entreprise collectif (PERECO) : proposé à l'ensemble des salariés d'une entreprise
- Le PER d'entreprise obligatoire (PERO) : réservé à certaines catégories de salariés ou à l'ensemble du personnel selon les accords d'entreprise
Bon à savoir : Les trois versions du PER sont complémentaires et non exclusives. Vous pouvez détenir simultanément un PER individuel et un ou plusieurs PER d'entreprise.
Fonctionnement du PER : une structure en trois compartiments
Pour comprendre le fonctionnement du PER, il est important d'identifier sa structure en trois compartiments distincts :
- Compartiment 1 : Versements volontaires de l'épargnant (déductibles ou non du revenu imposable)
- Compartiment 2 : Versements issus de l'épargne salariale (participation, intéressement, abondement)
- Compartiment 3 : Versements obligatoires du salarié ou de l'employeur (dans le cadre du PERO)
Cette structure compartimentée est essentielle car chaque compartiment suit des règles fiscales spécifiques, tant au niveau des versements que des retraits.
Les phases du PER : alimentation et déblocage
Le cycle de vie d'un PER s'articule autour de deux phases principales :
- Phase d'alimentation : période durant laquelle vous effectuez des versements sur votre PER pour constituer votre épargne retraite
- Phase de déblocage : moment où vous pouvez récupérer votre épargne, généralement à partir de la retraite
Par principe, les sommes versées sur un PER sont bloquées jusqu'à la retraite, mais la loi prévoit plusieurs cas de déblocage anticipé :
- Acquisition de la résidence principale (uniquement pour les versements volontaires et l'épargne salariale)
- Décès du conjoint ou du partenaire de PACS
- Invalidité du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire de PACS
- Surendettement du titulaire
- Expiration des droits à l'assurance chômage
- Cessation d'activité non salariée suite à une liquidation judiciaire
Les avantages fiscaux du PER
Déductibilité des versements volontaires
L'avantage fiscal majeur du PER réside dans la déductibilité des versements volontaires de votre revenu imposable. Cette déduction s'applique dans la limite d'un plafond annuel calculé en fonction de vos revenus professionnels.
En 2025, ce plafond est de :
- Pour les salariés : 10% des revenus professionnels de l'année précédente, limités à 8 fois le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS), soit un maximum de 34 966 € pour les versements effectués en 2025
- Pour les indépendants : 10% du bénéfice imposable limité à 8 PASS + 15% sur la fraction du bénéfice comprise entre 1 et 8 PASS, permettant d'atteindre un plafond de déduction potentiellement supérieur à 80 000 € pour les plus hauts revenus
Exemple concret : Un professionnel libéral ayant un bénéfice de 150 000 € en 2024 pourra déduire jusqu'à 44 968 € de versements sur son PER en 2025, générant une économie d'impôt potentielle de 20 235 € s'il est taxé dans la tranche marginale à 45%.
L'avantage fiscal au taux marginal d'imposition
L'économie d'impôt générée par les versements sur un PER est directement liée à votre Taux Marginal d'Imposition (TMI). Plus votre TMI est élevé, plus l'avantage fiscal est important. En 2025, selon votre situation, cette économie peut atteindre :
Tranche marginale d'imposition | Économie d'impôt pour 10 000 € versés |
---|---|
11% | 1 100 € |
30% | 3 000 € |
41% | 4 100 € |
45% | 4 500 € |
La gestion fiscale du capital à la sortie
Lors de la sortie du PER, la fiscalité applicable dépend de la nature des versements et du mode de sortie choisi :
- Pour les versements volontaires déductibles :
- En capital : le capital est soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu (sans application du quotient familial) et les plus-values sont soumises au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) de 30% ou au barème progressif
- En rente viagère : la rente est partiellement imposable selon l'âge au moment de la liquidation (40% à partir de 70 ans)
- Pour les versements issus de l'épargne salariale :
- En capital : seules les plus-values sont imposables au PFU ou au barème progressif
- En rente viagère : même régime que pour les versements volontaires
Limites et inconvénients du PER
Le blocage des fonds jusqu'à la retraite
La principale contrainte du PER est le blocage des fonds jusqu'à l'âge de la retraite, sauf cas de déblocage anticipé prévus par la loi. Cette caractéristique, si elle permet de discipliner l'épargne, peut constituer un frein important, notamment pour les épargnants ayant besoin de liquidité à moyen terme.
Même si l'acquisition de la résidence principale constitue un cas de déblocage anticipé, cette option n'est possible que pour les versements volontaires et l'épargne salariale, et implique des conséquences fiscales qu'il convient d'évaluer.
La fiscalité différée, pas supprimée
L'avantage fiscal à l'entrée s'accompagne d'une imposition à la sortie, ce qui relativise l'attrait du PER comme outil d'optimisation fiscale. En effet, lors de la liquidation du plan :
- Les versements volontaires déduits du revenu imposable seront soumis à l'impôt sur le revenu
- Les plus-values seront imposées (PFU ou barème progressif selon le choix du contribuable)
L'avantage réel du PER réside donc principalement dans le différentiel de taux d'imposition entre la phase d'épargne et la phase de retrait, qui peut être favorable si votre TMI baisse significativement à la retraite.
Les frais qui peuvent grever la performance
Les PER sont souvent critiqués pour leur structure de frais qui peut s'avérer coûteuse :
- Frais sur versements : pouvant atteindre 5%, avec une moyenne de 3%
- Frais de gestion annuels : entre 0,60% et 1% selon les contrats
- Frais d'arbitrage : entre 0% et 1% des montants arbitrés
- Frais de transfert : plafonnés à 1% pendant les 5 premières années, puis gratuits
Ces frais cumulés peuvent significativement réduire le rendement net de votre épargne, en particulier dans un contexte de taux bas.
Conseil d'expert : Négociez systématiquement les frais d'entrée qui peuvent être réduits voire supprimés, surtout pour des versements importants. Privilégiez les contrats proposant des frais de gestion modérés, car ces derniers s'appliquent chaque année et ont un impact cumulatif significatif sur le long terme.
Comparaison avec d'autres placements
PER vs Assurance-vie
L'assurance-vie reste la principale alternative au PER en matière d'épargne à long terme. Voici une comparaison des principales caractéristiques :
Caractéristique | PER | Assurance-vie |
---|---|---|
Avantage fiscal à l'entrée | Déduction des versements du revenu imposable | Aucune déduction fiscale |
Disponibilité des fonds | Blocage jusqu'à la retraite (sauf cas exceptionnels) | Disponibilité permanente |
Fiscalité des plus-values | PFU à 30% ou barème progressif | Après 8 ans : abattement de 4 600 € (9 200 € pour un couple) puis PFU à 30% ou 24,7% selon l'encours |
Fiscalité en cas de décès | Soumis aux droits de succession (sauf rente avec option réversion) | Exonération jusqu'à 152 500 € par bénéficiaire pour les versements avant 70 ans |
Le choix entre ces deux enveloppes dépend de plusieurs facteurs : votre horizon de placement, votre TMI actuelle et anticipée à la retraite, votre besoin de liquidité, et vos objectifs de transmission.
PER vs Immobilier locatif
L'investissement locatif constitue une autre alternative au PER pour préparer sa retraite tout en bénéficiant d'avantages fiscaux :
- PER : déduction immédiate des versements, mais liquidité limitée et fiscalité à la sortie
- Immobilier locatif : pas d'avantage fiscal à l'entrée (hors dispositifs spécifiques comme le Pinel), mais possibilité de déduire les charges et les intérêts d'emprunt des revenus fonciers, effet de levier du crédit, et perception de revenus complémentaires
Ces deux stratégies peuvent être complémentaires dans une approche diversifiée de préparation à la retraite.
PER vs PEA et compte-titres
Pour l'investissement en actions :
- PER : avantage fiscal à l'entrée mais contraintes de sortie et frais généralement plus élevés
- PEA : pas d'avantage fiscal à l'entrée, mais exonération des plus-values (hors prélèvements sociaux) après 5 ans, plafond de versement à 150 000 €
- Compte-titres : aucun avantage fiscal spécifique, mais liberté totale de gestion et absence de plafond
Stratégies d'optimisation du PER
Le timing optimal des versements
Pour maximiser l'avantage fiscal du PER, le timing des versements est crucial :
- Privilégiez les versements dans les années à forte imposition (pic de revenus, cession d'entreprise, perception de dividendes exceptionnels)
- Utilisez la technique du "versement-rachat" : effectuez un versement important sur votre PER une année où votre TMI est élevée, puis procédez à un rachat partiel pour acquisition de résidence principale les années suivantes si nécessaire
- Étalez vos versements sur plusieurs années pour optimiser l'utilisation de vos plafonds de déduction, en particulier si vous avez accumulé du disponible avec le dispositif de report des plafonds non utilisés des trois années précédentes
L'optimisation par le choix du mode de sortie
La flexibilité de sortie du PER (capital, rente ou mixte) permet des stratégies d'optimisation fiscale :
- Sortie en capital fractionnée : Étalez la liquidation de votre PER sur plusieurs années fiscales pour limiter la progressivité de l'impôt
- Combinaison capital/rente : Optez pour une sortie mixte en récupérant une partie en capital pour faire face à des projets immédiats (remboursement de crédit, travaux, aide aux enfants) et le reste en rente pour sécuriser un revenu régulier
- Timing de la sortie : Synchronisez la liquidation avec votre départ effectif en retraite pour bénéficier d'une TMI potentiellement plus faible
Conseil d'expert : Avec un PER individuel, vous pouvez choisir différents modes de sortie pour chaque compartiment. Par exemple, privilégier une sortie en capital pour les versements issus de l'épargne salariale (car seules les plus-values seront imposées) et une sortie en rente pour les versements volontaires si votre âge vous permet de bénéficier d'un abattement favorable.
La stratégie de gestion des investissements
La performance de votre PER dépend également de votre stratégie d'investissement :
- Adoptez une gestion pilotée à horizon pour sécuriser progressivement votre capital à l'approche de la retraite
- Si vous optez pour la gestion libre, privilégiez une forte exposition aux actions dans les premières années puis réduisez graduellement cette exposition
- Diversifiez vos supports d'investissement en incluant des unités de compte thématiques (immobilier, infrastructures, private equity) pour potentiellement améliorer le rendement
Pour qui le PER est-il adapté ?
Profils particulièrement adaptés au PER
Le PER s'avère particulièrement pertinent pour certains profils :
- Contribuables fortement imposés : TMI à 41% ou 45%, qui maximiseront l'avantage fiscal à l'entrée
- Indépendants et professions libérales : qui bénéficient de plafonds de déduction plus élevés
- Salariés en fin de carrière : dont les revenus actuels sont significativement plus élevés que leurs futures pensions
- Dirigeants d'entreprise : anticipant une cession ou percevant des dividendes importants
- Personnes disposant d'une épargne déjà diversifiée : et pouvant se permettre d'immobiliser une partie de leur capital jusqu'à la retraite
Profils moins adaptés au PER
En revanche, le PER peut s'avérer moins pertinent pour :
- Contribuables faiblement imposés : TMI à 11% ou non imposables, qui bénéficieront peu de l'avantage fiscal à l'entrée
- Personnes proches de la retraite : avec un horizon d'investissement court limitant les effets de la capitalisation
- Épargnants privilégiant la liquidité : qui pourraient être pénalisés par le blocage des fonds
- Personnes anticipant une hausse significative de leurs revenus à la retraite : qui pourraient être davantage imposées à la sortie qu'à l'entrée
Les erreurs à éviter
Ne pas tenir compte de sa future fiscalité à la retraite
L'avantage fiscal du PER repose sur un différentiel de taux d'imposition entre la phase d'épargne et la phase de retrait. Ignorer sa future situation fiscale à la retraite peut conduire à des désillusions. Prévoyez une simulation de vos revenus futurs incluant vos pensions, vos revenus fonciers éventuels et vos revenus de capitaux pour estimer votre TMI à la retraite.
Négliger la comparaison des frais entre les contrats
Les écarts de frais entre les différents contrats PER peuvent représenter plusieurs dizaines de milliers d'euros de différence sur le capital final. Ne vous concentrez pas uniquement sur l'avantage fiscal à court terme, mais comparez méticuleusement :
- Les frais sur versements
- Les frais de gestion annuels
- Les frais d'arbitrage
- Les frais sur la rente éventuelle
Verser sans tenir compte de ses besoins de liquidité
Même si l'avantage fiscal est tentant, bloquer une part trop importante de son épargne dans un PER peut s'avérer problématique en cas de besoin imprévu. Conservez toujours une épargne de précaution disponible (idéalement 3 à 6 mois de charges fixes) et n'investissez dans le PER que les sommes dont vous n'aurez pas besoin avant la retraite.
Ignorer les possibilités de sortie anticipée
Certains épargnants renoncent au PER par crainte du blocage des fonds, sans connaître les cas de déblocage anticipé. Si vous envisagez d'acquérir votre résidence principale dans les années à venir, le PER peut constituer un véhicule d'épargne intéressant dans une optique d'apport, à condition de bien en comprendre les implications fiscales.
FAQ : Le PER et l'optimisation fiscale
Peut-on cumuler l'avantage fiscal du PER avec d'autres niches fiscales ?
Oui, la déduction des versements au PER n'entre pas dans le plafonnement global des niches fiscales (10 000 € par an). Vous pouvez donc cumuler cet avantage avec d'autres dispositifs fiscaux comme l'investissement en FCPI/FIP, les réductions d'impôt liées à l'investissement locatif ou les crédits d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile.
Est-il préférable d'opter pour un PER bancaire ou un PER assurantiel ?
Les deux formats présentent des avantages distincts. Le PER bancaire (compte-titres) offre généralement des frais plus modérés et une transparence accrue dans la gestion. Le PER assurantiel (contrat d'assurance) propose quant à lui une gamme de supports d'investissement souvent plus large, incluant des fonds en euros, et offre des options supplémentaires en matière de garanties décès. Le choix dépendra de vos priorités : optimisation des frais ou diversification et protections complémentaires.
Que se passe-t-il si ma TMI baisse l'année où j'effectue mon versement sur le PER ?
Si votre TMI baisse de manière inattendue (baisse de revenus, changement de situation familiale), l'avantage fiscal de votre versement sur le PER sera moindre que prévu. Dans ce cas, il peut être judicieux de reporter une partie de votre versement à une année ultérieure où votre TMI sera potentiellement plus élevée. Rappelons que les plafonds de déduction non utilisés peuvent être reportés sur les trois années suivantes.
Comment arbitrer entre PER et remboursement anticipé de crédits ?
L'arbitrage dépend essentiellement du taux de votre crédit et de votre TMI. Si votre TMI est élevée (41% ou 45%) et que votre taux d'emprunt est relativement bas (inférieur à 3%), l'avantage fiscal du PER peut surpasser l'économie d'intérêts liée au remboursement anticipé. À l'inverse, avec une TMI modérée et un taux d'emprunt élevé, privilégiez le remboursement de vos crédits. Une simulation chiffrée personnalisée est nécessaire pour trancher.
Peut-on transférer un ancien PERP ou contrat Madelin vers un PER ?
Oui, c'est tout à fait possible et souvent recommandé. Le transfert d'un ancien dispositif d'épargne retraite (PERP, Madelin, Article 83, PERCO) vers un nouveau PER permet de bénéficier des avantages du PER, notamment la possibilité de sortie en capital. Ce transfert s'effectue sans conséquences fiscales et les droits acquis sont préservés. Attention toutefois aux frais de transfert qui peuvent s'appliquer (limités à 1% pendant les 5 premières années du contrat d'origine, puis gratuits).
Conclusion
Le Plan d'Épargne Retraite représente indéniablement un outil d'optimisation fiscale intéressant, particulièrement pour les contribuables fortement imposés. Son principal atout réside dans la déductibilité immédiate des versements, permettant de réduire significativement l'impôt sur le revenu. Cependant, il ne constitue pas une solution miracle et doit s'inscrire dans une stratégie patrimoniale globale et personnalisée.
L'efficacité du PER comme instrument d'optimisation fiscale dépend de nombreux facteurs : votre tranche marginale d'imposition actuelle, votre situation fiscale future à la retraite, votre horizon de placement, vos besoins de liquidité et votre appétence pour le risque. Son utilisation requiert une analyse approfondie et personnalisée, idéalement accompagnée par un expert-comptable ou un conseiller en gestion de patrimoine.
Dans notre cabinet, nous privilégions une approche équilibrée, intégrant le PER comme une composante d'une stratégie diversifiée de préparation à la retraite, aux côtés d'autres véhicules comme l'assurance-vie, l'immobilier ou les placements en valeurs mobilières. Cette combinaison permet d'optimiser la fiscalité tout en préservant une flexibilité indispensable face aux aléas de la vie et aux évolutions réglementaires.
Rappelons enfin que l'optimisation fiscale, bien que légitime, ne doit pas être le seul critère de décision. La performance des investissements, la qualité de la gestion, le niveau des frais et l'adéquation avec vos objectifs patrimoniaux à long terme sont des considérations tout aussi fondamentales dans le choix de vos placements.